Conclusion sur la notation de la qualité du si
Conclusions sur le 3e type de variante
Les manuscrits
français et anglais disposent des moyens nécessaires pour
préciser la qualité du si. Ils le font principalement au moyen du bémol, et moins souvent du
bécarre. Parfois, ils jouent sur la simple omission de ces signes ou sur
un changement de clé. Aucun des manuscrits que nous avons
consultés ne présente à cet égard un comportement
qui soit absolument systématique. Mais l’étude interne de
chaque manuscrit permet de dirimer la presque totalité des cas et de
déterminer si, en tel contexte concret, un si non précisé est bécarre
ou bémol, pour ce manuscrit. A partir de là, les
réflexions musicologiques sur la qualité si en lien avec la modalité, le
développement mélodique, les choix esthétiques, les
cultures locales, etc. deviennent possible.
Les manuscrits
germaniques sont souvent les témoins d’une variante dans laquelle
le do est ornement aigu du la. Mais la plupart d’entre eux disposent
des mêmes moyens que les manuscrits français et anglais pour
préciser la qualité du si bémol. Lorsqu’ils les emploient, on peut constater une
convergence entre leur témoignage et ceux de la zone franco-anglaise.
Les manuscrits
italiens et aquitains n’indiquent pas, en général, la
qualité du si : ils
ne disposent pas des signes qui permettraient de la préciser. Du point
de vue paléographique, leur témoignage ne peut donc être
invoqué ni en faveur du si bécarre ni en faveur du si bémol. Les réflexions musicologiques sur cette zone de
l’échelle sonore et les mécanismes qui lui sont connexes
est rendue particulièrement difficile dans ce cas.
La mobilité du degré si et l’incertitude de son écriture, deux phénomènes de soi différents, ont vu leurs effets propres se cumuler dans les traditions manuscrites de l’office. Relativement à l’écriture de la qualité du si, les copistes ont eu des comportement très divers.
Pour un certain nombre de notateurs, ceux d’Italie et d’Aquitaine notamment, celle-ci ne fut même pas un souci. Contemporains d’une tradition orale en plein exercice, peut-être plus éloignés des centres de spéculation théorique, ils se sont entièrement reposés sur la force de la tradition vivante et sur la mémoire des chanteurs.
D’autres, en petit nombre, sont au contraire les lointains précurseurs de la partition moderne : dès la première lecture, nous discernons quelle qualité ils affectent à chaque si. Leurs apparentes omissions ne tombent que sur des cas où la connaissance du contexte et du manuscrit rend la réponse évidente. Souvent, nous savons que ces communautés ont été au contact de théoriciens notoires (Theoger à Saint-Georges de la Forêt Noire, ou Odon à Saint-Maur des Fossés): ou bien ce sont des religieux soucieux d’encadrer, voire de simplifier la transmission du chant (comme les Chartreux).
Les autres se situent quelque part entre ces deux extrêmes. Dans certains modes ou certaines pièces, la leçon manuscrite qu’ils nous proposent demande une analyse approfondie et une comparaison systématique avec les passages parallèles du répertoire. Parfois leurs indications ne suffisent pas, et le discernement nous échappe, démonstration éclatante que, pour eux aussi, c’est la tradition vivante qui était décisive.