Antiphonaire complet en deux volumes, monastique pour les
antiennes, séculier pour les répons. Relié avec un tonaire
et diverses additions. Temporal et sanctoral mélangés.
97 et 132 folios paginés de 1 à 194 et de 1
à 264.
Page: 220 x 167 mm.
Justification:
167 x 128 mm.
X-XIe siècle.
Seul l’antiphonaire de l’office nous
intéresse ici. Les deux volumes n’en faisaient qu’un
à l’origine, comme en témoigne la miniature du folio 11.
Attribué au moine de Saint-Gall «Hartker le reclus» (†
1011 ou 1017) par le frontispice du manuscrit et les catalogues de la
Stiftsbibliothek, l’antiphonaire présente une structure liturgique
complexe. Plutôt monastique dans le choix des antiennes, il comporte
aussi des caractéristiques séculières, comme le nombre des
répons des Vigiles[1]. Mais ce n’est pas tout: de nombreux formulaires
comportent un nombre d’antiennes supérieur (et parfois, de loin)
aux besoins de la célébration[2].
Plutôt que d’y voir un livre
«extravagant», il est probablement plus exact d’y
reconnaître la tentative d’un centre monastique important de
compiler le plus grand nombre possible de pièces liturgiques de
l’office.
Chaque volume a été paginé au crayon
au xviiie
siècle, sans tenir compte des lacunes. Une deuxième pagination a
été introduite pour le deuxième volume, en
continuité avec celle du premier.
L’organisation du manuscrit a été
rendue complexe à l’occasion de la reliure en deux volumes.
L’analyse codicologique, en particulier l’étude des cahiers[3], a été conduite en détail par Jacques
Froger dans la deuxième édition de la Paléographie
musicale[4]. Nous nous contentons de donner une rapide description du
contenu liturgique selon l’ordre du manuscrit, en signalant additions et
remaniements:
1er volume
14-82 |
du 1er dimanche
de l’Avent au 5e dimanche après l’Epiphanie |
83-101 |
office férial |
101-105 |
office de la Trinité |
105-134 |
sanctoral de
Sébastien à l’Annonciation |
134-186 |
temporal de la
Septuagésime au Jeudi saint |
187-194 |
extraits du Tonaire, des
Communs et de la psalmodie alléluiatique[5] |
2e volume
1-8 |
extraits du Tonaire |
9-22 |
additions du xiiie
siècle |
217-236 |
du Vendredi saint au
mercredi de Pâques |
237-244 |
remaniement du mercredi de Pâques au 4e
dimanche après Pâques |
245-272 |
de Philippe et Jacques
à la Pentecôte |
273-302 |
sanctoral du 24 juin au 29
août |
303-304 |
addition du xiiie
siècle |
305-308 |
Nativité de Marie |
309-311 |
addition du xiiie
siècle |
311-340 |
sanctoral de Maurice
à Othmar |
341-344 |
remaniement Othmar |
345-359 |
sanctoral de Othmar à
André |
360-386 |
Communs |
386-389 |
Afra |
389-394 |
Office des défunts |
395-420 |
Historiæ bibliques |
420-425 |
Antiennes pour les cantiques
Benedicite, Benedictus et Magnificat |
426-432 |
Dimanches après la
Pentecôte |
433-438 |
addition du xiiie
siècle |
439-452 |
invitatoires et
mélodies du Psaume 94[6] |
452-454 |
addition du xiiie
s. |
455-458 |
extraits du Tonaire |
Les manuscrits ont été reliés à
neuf en 1931, à l’atelier de reliure d’Engelberg.
17 lignes par page. L’écriture du texte, assez
homogène[7], est brun foncé.
Les neumes, caractéristiques de la notation
neumatique de Saint-Gall sont sensiblement plus clairs que le texte
littéraire. Ils ressemblent de près, avec une moindre richesse de
formes cependant[8], à ceux du Cantatorium (St. Gallen, Stifts. 359) copié un petit
siècle plus tôt.
Presque toutes les antiennes sont dotées en marge
d’une indication tonale[9] composée d’une lettre – a e i o u H y w – désignant le ton
psalmodique, – respectivement de 1 à 8 –
éventuellement suivie d’une consonne précisant la cadence
finale lorsque le ton en possède plusieurs.
L’attribution traditonnelle au reclus Hartker, bien
connu des chroniques de l’abbaye, a pu retarder la critique de la
«main principale».
Manuscrit SANKT-GALLEN,
Stiftsbibliothek 390-391
(f° 11, Hartker offre son manuscrit à saint Gall)
Froger en avait remarqué les «fluctuations que
l’on ne sait trop comment interpréter»[10] et évoqué la possibilité que Hartker
soit «un terme collectif désignant à la fois Hartker et ses
collaborateurs».
La préparation des tableaux comparatifs d’antiennes (cf. annexes) a manifesté ces différences subtiles avec plus d’évidence, car elle implique la copie successive de nombreuses pièces situées à des emplacements très différents dans le manuscrit[11].
La division en deux volumes (entre
1265 et 1277)[12], les remaniements et les additions qu’a subis le
manuscrit n’enlèvent rien à son autorité:
c’est le plus ancien témoins complet et neumé de
l’office[13]. Un intérêt unique, donc, encore
renforcé par la richesse de pièces contenues dans le manuscrit et
dont le nombre dépasse largement les besoins du monastère
d’origine. Le manuscrit avait déjà été
remarqué par Tomasi qui en avait publié le texte[14].
Paléographie
musicale IIe
série, 1. Solesmes, 1900. Nouvelle édition, avec introduction de
J. Froger, Berne, 1970.
A. Schubiger, Histoire de l’école de chant de Saint-Gall du viiie au xiie siècle, documents
fournis à l’histoire du plain-chant pendant le moyen-âge, notes par Théodore Nisard, Paris, 1866.
R. van Doren, Étude
sur l’influence musicale de l’abbaye de Saint-Gall (viiie au xie siècle), Bruxelles, 1925.
E. Omlin, «Hartker von St.
Gallen», Zeitschrift für zchweierische Kirchengeschichte, Fribourg, 1931, 226-233.
R.-J. Hesbert, CAO 2, vi-ix.
R. Steiner, «Hartker’s Antiphoner and the Oral Tradition of Chant at St. Gall», Sangallensia in
Washington. The Arts and Letters in Medieval and Baroque St. Gall, Viewed from
the Late Twentieth Century,
ed. James C. King, New York, 1993.
K.
Prassl, «Rhetorische Notation als
Vermittlung liturgischer Theologie in den Codices St. Gallen 390/391 und
Einsiedeln 121», Studia musicologica 45 (2004), 201-212.
Manuscrit SANKT-GALLEN,
Stiftsbibliothek 390-391
(f° 37v, répons de l’Epiphanie)
[1] R.-J. Hesbert, CAO 2, viii.
[2] Par exemple, les laudes de l’office férial comportent souvent plusieurs antiennes pour le même psaume: CAO 39a, 40, 42a.
[3] Presque tous les cahiers ont été numérotés au Moyen Age, par une main postérieure à Hartker.
[4] J. Froger, Paléographie musicale, IIe série, 1, 15* et suivantes.
[5] Avec une lacune évaluée à un folio ( correspondant à la psalmodie alléluiatique).
[6] Avec une lacune évaluée à un folio.
[7] J. Froger, Paléographie musicale, IIe série, 1, 34, a évoqué un possible «vieillissement» du copiste.
[8] R. Steiner, Hartker’s Antiphoner and the Oral Tradition, 206.
[9] Cf. A. Schubiger, Histoire de l’école de chant de Saint-Gall, 22. J. Froger, Paléographie musicale, IIe série, 1, 50*.
[10] J. Froger, Paléographie musicale, IIe série, 1, 35*-36*.
[11] Un bon exemple est donné par la comparaison des pages 82-83 avec les pages 324-325.
[12] Non prévue à l’origine, elle a voulu distinguer une pars hiemalis et une pars æstiva. Approximative, elle se fait au plus proche de Pâques, entre deux cahiers, entre le Jeudi et le Vendredi saints. (J. Froger, PM II-1, 28*).
[13] Son seul «concurrent» à cet égard pourrait être l’antiphonaire du Mont-Renaud, mais la datation de ce dernier laisse trop d’incertitudes (cf. supra).