Antiphonaire monastique complet. Temporal et sanctoral
alternés par sections.
355 folios, foliotés de 1 à 355.
Page: 290 x 198 mm (ais 308 x 200).
Justification: 230 x 135/140 mm.
xiie
siècle[1].
Le dos plat à 5 nervures porte l’inscripion:
ANTIPHONARIUM
Parchemin jaunâtre épais et rigide.
Manuscrit en bon état, à l’exception
des folios 13, 62, 99, 101, 113, 119, 171, 233, 267, 276, 278, 323, 346, 348,
355 mutilés, comme le confirme la mention en page de garde datée
du 22 décembre 1869. Le manuscrit a été restauré au
cours du xxe s. par
incorporation de parchemin aux folios mutilés.
Foliotation en chiffres arabes dans le coin
supérieur gauche.
Il n’y a ni signatures ni réclames (sauf en bas
du f° 235v).
Temporal et sanctoral pratiquement
complets alternent par sections[2]: les historiæ
bibliques et les dimanches après la Pentecôte apparaissent
après les Communs.
Pour les nocturnes, le manuscrit
groupe souvent ensemble toutes les antiennes qu’il fait suivre de tous
les répons[3]. Mais les répons psalmiques ont été
reportés à la fin du cycle, après les historiæ bibliques.
Quelques additions: f° 1, 176,
et les derniers folios du manuscrit.
L’écriture du texte
est noire, comme celle de la mélodie. Il y a en général 13
portées par page, mais ce nombre monte parfois à 15.
Il s’agit d’une
notation française sur lignes à la pointe sèche avec
clés mais sans guidons. Le
bémol et le bécarre (plus rare) sont de la même main que
les neumes.
Du point de vue de la notation, le
manuscrit n’est pas homogène.
Une première
différence saute aux yeux: dans une partie de l’antiphonaire, les
portées sont tracées à la pointe sèche: dans le
reste, les portées ont été repassées à l’encre[4]. Mais ce n’est pas ce qui différencie les
mains.
La main française
principale domine la copie de (f° 2r-175v, 177r-322v).
Caractérisée notamment par les formes du punctum et du podatus,
elle connaît encore l’oriscus (f° 199v, l. 3, planctibus: f° 210v, 9, Vidi):
Paris, BnF lat 17 296, f° 199v
La seconde main française possède une forme «inversée» du podatus:
Paris, BnF lat 17 296, f° 176r-v
Une troisième main
française intervient du f° 323 au f° 347v. Elle comporte
quelques éléments proches de la notation messine, en particulier
de l’uncinus, tout en gardant d’autres caractères
français:
Paris, BnF lat 17 296, f° 327v
On trouve aux folios 348-356
diverses additions en carrés français plus tardifs.
Les terminaisons psalmodiques
liées aux antiennes sont indiquées en marge, mais
l’indication sclormam reste
parfois sans notation (226v-232r).
Les rubriques R/. A/. V/. sont
peintes à l’encre rouge: les grandes lettrines en rouge, vert ou
bleu. Le premier répons du jour de Pâques (Angelus Domini) bénéficie d’une initiale
miniaturée en pleine page[5].
Le manuscrit a
séjourné à Saint-Corneille de Compiègne, comme en
témoigne l’inscription du xviiie
s. en marge droite du f° 2r, véritable début du manuscrit[6]: «S. Cornelii Compend. Congr. S. Mauri». Dans son Inventaire,
Léopold Delisle le faisait venir de Compiègne. L’étude du sanctoral suffit à prouver
que l’antiphonaire est bien de Saint-Denis: la notice de R.-J. Hesbert[7] réunit tous les éléments
nécessaires à ce sujet.
Le manuscrit constitue l’un
des principaux témoins mélodiques des traditions du nord de
l’Ile de France, en lien avec le Mont-Renaud et Worcester F. 160.
Quel que soit le rôle
joué par l’abbaye de Saint-Denis dans les débuts de la
composition romano-franque, elle a été un des principaux contacts
entre le chant gallican et la liturgie romaine, lors de la visite et du
séjour du pape Etienne II en Gaule, vers 752-753[8], sous l’abbatiat de Fulrad[9]. L’intérêt de la tradition musicale de
Saint-Denis ne se réduit pas aux seules variantes
«françaises» de notre chapitre III.
L. Delisle, Inventaire des manuscrits
latins de Notre-Dame et autres fonds conservés à la
Bibliothèque Nationale sous les numéros 16719-18613, Paris 1871, p. 39.
A. Walters Robertson, The Service
Books of the Royal Abbey of Saint-Denis, Oxford, 1991, 393-399.
A. Walters Robertson, «The Transmission of Music and Liturgy from Saint-Denis to Saint-Corneille of
Compiègne», The Study of Medieval chant. Path and Bridges, East
and West. In Honor of Kenneth Levy, ed. P. Jeffery, Cambridge,
2001, 505-514.
A. Walters [Robertson],
«The Reconstruction of the Abbey-Church at Saint-Denis (1231-81): The
Interplay of Music and Ceremony with Architecture and Politics», Early
Music History 5 (1985), 187-238.
A. Walters Robertson, «Benedicamus
Domino: the Unwritten Tradition», JAMS 40 (1988), 1-62.
H. Stahl, «The Problem of Manuscript Painting at
Saint-Denis during the Abbacy of Suger», Abbot Suger and Saint-Denis, ed. P. Gerson,
New York, 1986, 163-82.
J. Udovich, Modality, Office Antiphons, and Psalmody: The
Musical Authority of the Twelth-Centuury Antiphonal from Saint-Denis, thèse, University of
North Carolina, Chapel Hill, 1985.
V. Thibault, «Le répertoire de
l’antiphonaire dans l’abbaye de Saint-Denis du xie au xvie siècle. Etude comparative des répons de l’Avent», mémoire
de DEA, EPHE, section Sciences historiques et philologiques, 2002.
Manuscrit PARIS, BnF lat 17 296
(f° 45v, répons de l’Epiphanie)
[1] Entre 1140 et 1150, d’après A.W. Robertson (The service-books, 393), qui se fonde d’une part sur la décoration, et d’autre part sur la solennisation de l’office des morts en mémoire des rois (In natali Dagoberti regis, f° 327-33, institué par l’abbé Adam vers 1108, dont le déploiement n’aurait été possible que dans la nouvelle basilique construite par Suger (1122-1151) et consacrée en 1144.
[2] Place inhabituelle de Lucie (13 décembre) entre le 1er et le 2e dimanche de l’Avent, comme dans la table d’antiphonaire contenue dans Paris Bibl. Mazarine 384, f° 163v. Deux folios manquent entre 206v et 207r (répons de l’Assomption), un entre 233v et 234r (octave de Denis et Hilaire).
[3] Ce qui explique partiellement la présence des tons de Gloria Patri de répons et des Benedicamus Domino copiés de première main entre les antiennes et les répons de Jean Baptiste (f° 170r-171v). Cf. V. Dubois, «Les mélodies des versets de répons du 1er ton dans le tonaire du manuscrit Paris, BnF lat 776», EG 33 (2005), 75-107.
[4] Les folios 202-203 ont été refaits après grattage, sur portées de 4 lignes à l’encre rouge.
[5] Cf. H. Stahl, «The Problem of Manuscript Painting at Saint-Denis during the Abbacy of Suger», Abbot Suger and Saint-Denis, ed. P. Gerson, New York, 1986, 163-82: surtout 166, 172-3, 181 n. 68.
[6] L. Delisle, Inventaire des manuscrits latins, 39.
[7] R.-J. Hesbert, CAO, 2, xi-xiv.
[8] Cf. D. Saulnier, «Présence d’une tradition orale française parallèle à celle de Metz et Saint-Gall» EG 31 (2003) 5-24. L’art du chantre carolingien. Découvrir l’esthétique première du chant grégorien. sous la direction de Ch.-J. Demollière, Metz, 2004, 125-139.