Antiphonaire cartusien (cursus bénédictin),
temporal et sanctoral séparés
250 folios. Foliotation de I à CCXLII[1]
à partir du 2e cahier.
Reliure: 230 x 170 x 70 mm ; page : 215 x 155 mm.
Justification : 150 x 115 mm.
xive
siècle (1346) : « Finitus fuit die marcii mñsis
año Dñi M°CCC°XLVI° »[2].
Antiphonaire cartusien complet[3], précédé des tons d’un
Vénitoire d’une autre main contemporaine et suivi de quelques
additions postérieures.
La foliotation est indiquée
au centre supérieur de chaque page, en chiffres romains[4].
L’antiphonaire commence au
verso du folio 8. Le premier cahier contenant les tons du psaume invitatoire
n’est pas folioté.
1r |
Temporal,
du 1er dimanche de l’Avent à la fin du temps
après la Pentecôte |
|
141v |
In
sacramento altaris (Corpus Christi) |
|
148r |
Dimanches
après la Pentecôte |
|
170r |
Office
de la Dédicace |
|
172r |
Propre
des saints, de la Conversion de S. Paul à la fête des Reliques |
|
216r |
Communs |
|
241v |
additions : |
–
tons du Gloria des répons ; Salve regina, Te Deum et Te decet
laus (main contemporaine) |
–
rudiments de tonaire sur le premier verset du Benedictus (xve s.), et exercices de
solfège (xviiie
s.). |
Ecriture gothique, de moyenne
grandeur, avec majuscules en rouge, le tout très simple.
Notation musicale en carrés
français[5] assez gros sur 4 lignes rouges, avec clé de fa ou
de do, bémol et bécarre de première main.
Comme souvent dans les manuscrits
chartreux, des barres[6] distinguent les groupes de mots ou de syllabes, voire de notes
dans les neumes un peu longs[7]. Initialement destinées à faciliter la
lecture, ces barres acquirent progressivement (au début du xviie s. ?) une
signification rythmique de pause dans le chant[8].
Une « grande
barre » indique le plus souvent la fin des pièces. Ici ou
là, une grande barre épaisse, sans doute postérieure, a
été ajoutée pour marquer les intonations[9].
GRANDE-CHARTREUSE 808, f° 39v.
Mis
à part les huit premiers folios et les additions finales, la notation du
mansucrit est homogène.
Le manuscrit est d’origine
chartreuse. Selon les notes de la bibliothèque de la Grande-Chartreuse,
il aurait été copié à Rettel (aujourd’hui
Rethel)[10] au diocèse de Metz, monastère
bénédictin cédé aux Chartreux en 1431[11]. Mais on voit difficilement comment une telle origine
serait compatible avec la date de sa copie (1346).
Quelques additions
postérieures montrent que le manuscrit a été en usage
jusqu’au xviie
siècle.
Sur la première feuille de
garde, on voit au recto, avec quelques essais de plume moderne une courte
règle pour la transposition : elle est rédigée en
italien, d’une écriture du xviiie
s, ce qui semble indiquer que le manuscrit a séjourné en Italie.
Au verso de cette même feuille, on lit, d’une écriture du xviiie s. :
« Cordier ex Chartreux », et au-dessous, de la même
main, le début de l’invitatoire de la litugie romaine des
défunts : Regem cui omnia vivunt.
La feuille de garde de la fin
porte également une note en italien touchant la transposition des modes,
de la même main que pour la première feuille, avec des exercices
de solmisation disposés sur cinq lignes.
La compilation assez volontariste
de l’office chartreux ne doit pas laisser dans l’ombre son
enracinement encore incomplètement connu dans les traditions locales de
chant liturgique (Grenoble, Lyon, Valence ?)[12]. Et les variantes mélodiques qui affectent
certaines pièces du répertoire sont présentes dès
les premiers témoins manuscrits neumatiques[13].
Les trois principes qui
régissent cette compilation écrite peuvent d’ailleurs
être mis en relation avec les exigences de la mémorisation.
D’abord, les textes sont
tirés exclusivement de l’Ecriture Sainte. Cette exigence, plus
lyonnaise[14] que cartusienne, garantit un contrôle doctrinal
simple et radical du répertoire chanté. Mais qui ne voit comme
elle en facilite aussi la mémorisation ? D’ailleurs (second
principe), ces textes sont disposés selon leur ordre d’apparition
dans la Bible[15]. Enfin, les mélodies difficiles à
exécuter et à mémoriser sont proscrites. Ce
troisième principe, fondé sur l’observance monastique
spécifique, entraîne d’importantes conséquences sur
la transmission écrite et orale du répertoire.
Contrairement à ce qui se
passe pour les livres cisterciens, aucun témoignage n’atteste que
des principes théoriques, d’ordre musical, soient intervenus lors
de la composition de l’Antiphonaire chartreux.
Du point de vue de notre
étude, la manière dont le manuscrit Grande Chartreuse 808 note la
qualité du si nous obligeait quasiment à l’intégrer
parmi les témoins principaux. C’est un manuscrit original qui
rejoint fréquemment Metz 83 à ce sujet ; or Lyon, Metz et
Aix-la-Chapelle ont été mis en relation très tôt
dans la diffusion du répertoire romano-franc[16].
Dominique Mielle de Becdelièvre, Prêcher en silence. Enquête codicologique sur les
manuscrits du xiie
siècle provenant de la Grande Chartreuse, Publications de l’Université de Saint-Etienne,
Saint-Étienne, 2004.
Manuscrit GRANDE CHARTREUSE, 808
(f° 43v, répons de l’Epiphanie)
[1] C’est cette foliotation que nous suivons désormais.
[2] D’après la mention copiée au verso du f° 215 : curieusement le quantième manque. La date du xiiie siècle donnée par le CAO (vol. 5, n. 690, p. 9) est excessivement haute.
[3] Pour des raisons que nous ignorons, le propre des saints se limite aux fêtes comprises entre le 25 janvier et le 13 novembre. Cf. J. Hourlier - B. du Moustier (= Lambres), « Le calendrier cartusien », EG 2 (1957), 151-161.
[4] Les folios CLXXVI et CLXXXV ont été oubliés.
[5] Et non aquitains, comme souvent les manuscrits chartreux ; cf. London, BL add 17303, PM 2, pl. 105.
[6] La barre, qui ne parcourt pas toujours toute la portée, se déplace vers le haut ou vers le bas, en fonction du développement de la mélodie.
[7] Cf. PM 1, 142.
[8] D’après la notice bibliographique de l’abbaye, aimablement communiquée par Dom Luc Fauchon.
[9] Cf. p. ex. f° 17-19.
[10] L. H. Cottineau, Répertoire topo-bibliographique des abbayes et prieurés, vol. 2, Mâcon, 1937, 242.
[11] Commentaires de Dom Luc Fauchon, Bibliothécaire de la Grande-Chartreuse que nous remercions vivement.
[12] DACL, art. « Chartreux », 3, col. 1045 ; B. Lambres, « L’antiphonaire des chartreux », EG 14, 213-218.
[13] B. Lambres, « L’antiphonaire des chartreux », EG 14, 217.
[14] Elle remonte à l’archiépiscopat d’Agobard. Voir à ce sujet Agobardus Lugdunensis, Epistola 18, MGH Epistolæ Karolini ævi, III, 233. Cf. M. Huglo, « Les remaniements de l’Antiphonaire grégorien au ixe siècle : Hélisachar, Agobard, Amalaire », Culto cristiano, politica imperiale carolingia. XVIIIe Convegno internazionale di studi sulla spiritualità medievale, Todi, 1979, 87-120.
[15] Au moins pour les répons de l’office nocturne.